Panthéon littéraire personnel du vingtième siècle (19)

Ballade du Grand Macabre, de Michel de Ghelderode. Ghelderode est un des grands dramaturges de langue française du vingtième siècle, et on dirait que ses pièces ont tout pour me plaire : bouffonnerie, influence baroque et surtout, la présence du grotesque et de la cruauté. Comme beaucoup des posts ici en témoignent, j’aime le grotesque, le monstrueux – cette sorte de rire mélangé à l’effroi. la Ballade du Grand Macabre, où apparaît la Mort sous une forme triviale, comme un personnage de kermesse monté sur son cheval, est un des textes que je relis le plus souvent. Critique à venir, peut-être.

Dans la solitude des champs de coton, de Koltès. C’est à vrai dire le seul texte de Koltès que j’ai lu. Dès le début, j’ai été à la fois impressionné et troublé par l’écriture de cette pièce. Une « intrigue » asséchée à l’extrême, dans la mesure où la pièce est un échange entre un client et un dealer, et dès le début de la pièce, dans cette langue qui se développe en se ramifiant, dans l’ossature apparemment sèche des phrases et du propos, on sent qu’on a affaire à un grand texte où l’homme apparaît, dans cette expression des rapports humains présentés sous l’angle du commerce – dans ces voix qui se répondent mais qui semblent ne pas se parler, ou alors parler ailleurs, plus haut.

Le Cri du sablier, de Chloé Delaume. Une critique sera faite plus tard, incorporée dans un article général.

Contre, de Lydie Salvayre. L’ironie de Lydie Salvayre est bien connue : cette dernière n’hésite pas à forcer le trait dans ses romans pour faire naître des conflits entre ses personnages. La « vie commune » (pour reprendre le titre d’un de ses livres) est souvent pour elle l’occasion d’évoquer les haines, les rancoeurs, les aigreurs, les sentiments mauvais que les êtres cachent ou que les discours contemporains étouffent (ou plus rarement exposent vulgairement, comme dans Portrait de l’écrivain comme animal domestique). Contre est un texte un peu différent : vendu avec son CD, c’est un texte poétique où nous est donné à voir toutes les horreurs et les vulgarités du monde contemporain, au moyen de cette technique chère à Voltaire ou Montesquieu de l’observateur étranger. Toutes les choses qui nous apparaissent banales se voient réinterrogées par ce regard qui ne laisse rien passer – le propos, politique, se voit renforcé par la musique de Serge Teyssot-Gay. C’est un texte « contre » toutes les forces mortifères, tout ce qui rabaisse – et c’est un grand bol d’air.

Des Aveugles, de Hervé Guibert. Je ne sais pas si Hervé Guibert est un grand écrivain – je dirais plutôt que c’est un écrivain brillant, très français dans sa volonté de rechercher le naturel de l’expression et dans une forme de superficialité, de légèreté. L’écriture d’Hervé Guibert est une écriture leste. Je me rappelle avoir été frappé par la facilité apparente avec laquelle l’auteur de Des Aveugles parvient à se mettre dans l’intimité, dans la peau (c’est le cas de le dire) de ces trois personnages aveugles : rapport au toucher, au tactile, images fantasmatiques se mêlent pour exprimer le rapport au monde entretenu par les protagonistes dans le lieu fermé qu’est la clinique (le livre est d’ailleurs dédié à Michel Foucault). Je préfère ce roman aux textes plus autofictifs de Guibert.

A propos hermitecritique

L'hermite attend, s'échauffe, compare, dissèque, critique, estime, s'enflamme, débat avec lui-même, disjoint, rejoint, distingue, confond, se refroidit, attend, revient, retourne, détourne...
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