# 13 – 5 juillet 2014

De quelques livres qui remplissent une vie

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Depuis plusieurs jours, je suis plongé dans la lecture de À pas aveugles de par le monde, de Leïb Rochman. Quand j’écris cette phrase, je mens, en quelque sorte, je donne une forme à l’expérience que je vis, mais cette forme n’est pas strictement exacte. Je devrais plutôt dire que depuis plusieurs jours, ce livre m’accompagne. Je n’y suis pas « plongé » à la manière d’un roman qui captiverait – il ne s’agit pas d’un roman. Disons que ce livre m’absorbe, en comprenant bien que c’est le livre, et non moi, qui est sujet de cette phrase. Il m’appelle, il m’a englobé, je ne peux rien faire contre ça. 

Je le lis lentement. La densité de son écriture ordonne cette lenteur. Je ne voudrais ne rien manquer. Garder dans mon esprit toutes les phrases qui, quand mes yeux se posent dessus, semblent s’inscrire dans un autre monde que celui de la page. C’est une sensation qu’on éprouve rarement – celle d’un livre qui nous démontre dans le même moment, son atemporalité et son éternité. Cela intime l’admiration autant que le respect. 

J’ai acheté cet ouvrage pas pur hasard. Je ne connaissais pas l’auteur, rien du livre, j’ai à peine lu la quatrième de couverture. Je n’avais même pas vu que la préface était signée d’Aharon Appelfeld, l’un des écrivains que j’admire en plus. Le titre m’a appelé, tout comme le fait qu’il ait été écrit en yiddish. Une conscience de survivant s’exprimant dans la langue détruite par l’extermination des Juifs d’Europe. 800 pages pour exprimer ce que c’est que survivre, et revenir dans un monde où le temps ne s’est pas arrêté. Et donc, depuis, je progresse, petit à petit, dans ces pages lumineuses et tragiques.

On ne saura jamais – et cela vaut mieux, sans doute – pourquoi certains livres sont capables de remplir une vie de lecteur. Parfois, ce sont des classiques, parfois non, parfois de simples lectures apparemment sans conséquences. Mais toujours, à peine quelques pages lues, il n’y a aucun doute possible : vous reconnaissez une voix derrière les mots, et vous partagez cette voix. À pas aveugles de par le monde est pour moi un livre qui suffira à justifier une vie de lecteur. 

A propos hermitecritique

L'hermite attend, s'échauffe, compare, dissèque, critique, estime, s'enflamme, débat avec lui-même, disjoint, rejoint, distingue, confond, se refroidit, attend, revient, retourne, détourne...
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Un commentaire pour # 13 – 5 juillet 2014

  1. j’ai vu de bonnes critiques et la lecture de ton post me conforte dans l’idée que je devrais l’ajouter à ma PAL…comme je ne connais que peu de cet auteur, cela me donnera une raison de le découvrir! 🙂

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